critiques peinture

Critiques peinture

À l'Autre Musée à Bruxelles.


De la simplicité innocente à la provocation aiguë, le musicien s'expose en flagrant délit de peinture.

Errances sur grand papier, avec silences blancs.


Musicien formé au Conservatoire de Bruxelles, Jacques Richard, né en 1951, a résolu d'êtrepeintre autodidacte. Depuis 15 ans, il a exposé une dizaine de fois en Belgique et en France. Les œuvres qu'il a réunies à « L'Autre Musée » sont plus des dessins (souvent en couleurs) que de véritables peintures. Exécutées à l'huile assez fluide, elles ménagent sur la toile de grandes zones de blancheur disponibles et inutilisées.


Souplesse. L'artiste a le sens du geste. Sa ligne part en force, se coule, se tord, se cabre, puis s'infléchit, s'apaise, et l'on demeure à la fois surpris, effrayé et charmé. Les peintures de Jacques Richard sont, dit-il lui-même, le fruit de la nécessité, de l'urgence. Il faut qu'il se mette à peindre, pour se donner quelque chose à voir. « Cela suppose que je me surprenne, qu'à un moment quelconque, l'imprévisible, me dédoublant, je me prenne en flagrant délit de peinture parce que quelque chose s'est mis là, devant moi, sans que je le sache. »


Le choc. Ce qu'il peint, ce qu'il ne peut pas ne pas peindre, c'est toujours la même chose : sous les angles les plus divers, dans la simplicité la plus innocente ou la provocation la plus aiguë, la femme, nue, presque sans tête (celle-ci perdue dans les nuages, ou oubliée, ou amputée par les dimensions de la toile).


L'artiste est littéralement hypnotisé et quand son œil s'est posé sur le corps dont il poursuit avidement la géographie dans sa vision imaginaire, il se met à dessiner et à peindre «jusqu'à épuisement » (de son sujet).Cela ne se produit pas à intervalles réguliers. Longtemps Jacques  Richard travaille dans des petits carnets, très attentivement. Quand il n'y voit plus clair, qu'il n'y a plus moyen d'avancer, «je prends, dit-il, un grand papier, pour voir. Parfois, j'y vois, parfois, j'y erre. »


Ces pages ne font pas songer à Ingres, ni à Schiele, mais plutôt à des élans méditerranéens, à du Picasso. Ce n'est plus de la peinture, mais de la psychanalyse. Il y a là un ton pathétique qui ne laisse pas le spectateur indemne. Celui-ci demeure chancelant devant ces aveux dessinés, ces lignes essentielles, ces ombres animales.


Stéphane REY, Le Soir du 24 mai 1993.


 

 

Quand la peinture visite le corps.


Quand la peinture visite le corps dans son rapport à la différence. Telle est la manière dont je reçois l'œuvre de Jacques Richard.

Le corps de l'homme et de la femme n'est pas à la dimension des représentations qui ont été faites en peinture. Il faut donc recommencer depuis le commencement. Jacques Richard en aura le courage.

Le corps réel est irreprésentable. Il peur sembler l'être en imagination Or c'est précisément ce corps en imagination qui peuple la peinture depuis les fresques pariétales au moins.

Comment dire qu'en ce temps immémorial le corps réel avait pour témoin le fait qu'une forme dessinée sur la paroi était induite d'une aspérité dans la pierre ? Comment dire que le corps réel ne saurait être senti que dans un corps à corps ? Le corps réel est perdu à jamais depuis notre entrée dans le langage qui instrumentalise ce qui était auparavant une symbiose.

Je reçois l'œuvre de Jacques Richard comme reconduisant ce moment de coupure entre le corps à corps et son instrumentalisation par le langage au moyen de fictions orchestrées dans la matière même de la peinture.

Les passages de la matière à la forme font les motifs de cette peinture qu'on ne peut plus, dès lors, réduire à un expressionnisme quelconque, que ce soit celui de CoBrA, celui de Francis Bacon ou encore celui d'un Arshile Gorky ou Philip Guston pour n'avoir à penser qu'à ceux-là.


Jean-Emile VERDIER, Montréal, le 4 novembre 1997

 


 


(…)Jacques RICHARD, pour sa part, déclare: «mes peintures et dessins ont pour thème le corps et la peau dans leur triviale évidence et leur précarité.» Il travaille principalement sur le thème de la langue, dans ses différentes acceptions: il mène à la question de savoir «ce que c'est que voir». Mais ce propos quelque peu philosophique est concrétisé picturalement en des œuvres aux tonalités rosés ou d'un beige délicat, en des images de sections de corps féminins très spécifiques et en des compositions aux multiples interprétations. (Du 24-10 au 09-11 )


Art, Antiques, Auctions, novembre 1997



 

 

On abordera utilement l'œuvre de Jacques Richard par la contemplation (pas toujours innocente) de ses carnets d'états d'âmes et de confidences, à l'encre et à la gouache, où il se raconte, se découvre, invente des ajustements de formes, des audaces et des harmonies subtiles de couleurs sur le thème du corps, celui de la femme de préférence, sur l'attirance de la peau, le désir qu'on peut avoir de la toucher, de la caresser, d'en franchir la limite, soudain, en la pénétrant.

Voyeur et "prévoyeur", l'artiste s'affaire dans le présent ou tâtonne dans le devenir. Les feuillets que nous évoquons, précieuse réserve d'émotions et de tentations sont vraiment d'une très grande importance dans l'élaboration d'une œuvre, sans servir nécessairement de "brouillons" à de plus grands formats. Jacques Richard est fort capable d'affronter directement ceux-ci, où la rondeur des contours se double de la roseur parfois porcine d'un coloris qui par lui-même est déjà d'une intention peu innocente. " Je m'invétère dans l'abominable".

L'artiste s'explique sur un élément important de son œuvre : "Ce que j'ai fait ces deux dernières années s'est plus particulièrement développé sur le thème de la langue (organe) et de ses fonctions, que cela se présente comme le morceau de chair que nous avons en bouche, comme organe tactile – organe sexuel – et bien sûr comme l'indispensable muscle de notre langage articulé." Chercher à voir et être contraint en même temps de se détourner…(…) (Galerie Isabelle de Mévius, jusqu'au 9 novembre)

 

Stéphane Rey

L'Echo de la Bourse du 7 novembre 1997



 

 

 

Corps réels, corps meurtris


Jacques Richard se méfie du corps vendu à la télévision. Il ne se contente pas d'un simple leurre, d'un effet de miroir. Non, il débusque le corps fatigué, celui qui se nourrit de fantasmes. Un triptyque plus ancien nous montre avec une rare violence le corps mâle dans tous ses états, entre érection et détente. On songe un moment à Velickovic, à Bacon. Les œuvres récentes choisissent un vocabulaire de haute enfance. Têtes rondes, seins déboussolés, ventres et jambes jetées. En matités, en griffures s'affirme un tourbillon organique qui revendique un chaos primitif. Les noirs, les blancs, les rosés, les bruns refusent la célébration chromatique et développent une sorte de mal-être qui fuit les images convenues. Une peinture de recherche, de remise en cause qui préfère le rythme syncopé à la joliesse de commande. (Fondation pour l'art belge contemporain, à Bruxelles, jusqu'au 17 avril).


Jo Dustin, "Le Soir" du mercredi 24 mars 1999.


 

 


Le corps fragmenté.


Longtemps Jacques Richard a pratiqué une peinture classique. Mais il a décidé de rompre les amarres, de visiter un univers moins codifié, de briser le miroir de la représentation. Chez lui, le corps est fragmenté. Têtes en balade, sexes et seins mis en exergue, jambes écartées... le tout dominé par une gaucherie voulue, un faux retour à l'enfance. Et ses peintures acryliques captent les grattages, les dérives saccagées. L'épiderme des couleurs est mat, les tons sont sales. Rosés, gris, bruns, vert olive qui laissent la part belle au blanc du support. Cette expression violente dévoile l'urgence, fait fi de toute joliesse dans une pulsion qui débusque une authenticité douloureuse. (Isabelle de Mévius, à Bruxelles, jusqu’au 27 novembre.)


Jo Dustin, Le Soir du 17 novembre 1999



 


Jacques Richard, l'écriture du corps.


Musicien de formation et peintre, Jacques Richard s'inté­resse tout particulièrement au corps humain. Non tel qu'il nous est montré quotidiennement mais dans son intériorité secrète. Sa peinture ressemble à une écriture qui fait virevolter les signes noirs autour de taches colorées comme si elle était produite par le sismographe de son intimité profonde. Langage personnel, libre de toute forme arrêtée, son art n'en reste pas moins à même de communiquer des émotions intenses.


Galerie Isabelle de Mévius, 33, parvis Saint-Henri, à Bruxelles. Jusqu'au 27 novembre.


Pierre-Olivier Rolin, Le Vif-L’Express du 19 novembre 1999


 


Aspects de la figuration.


Au Centre Culturel de Schaerbeek, nous retrouvons les figurations éclatées, démembrées de Jacques Richard, qui réinvente un univers âprement naïf. La matité rosé, grise, vert olive, beige, organise les têtes grimaçantes, les bustes féminins acéphales, les dérives à la Bacon. Les gravures en noir et blanc jouxtent des visages effrayés à la Munch. (…)



Jo Dustin, Le Soir, 1e juin 2000